Et il se promettait de l'étrangler de ses propres mains lorsque les insurgés
viendraient le délivrer. Mais le soir, au crépuscule, il se calma, il cessa de
tourner furieusement dans l'étroit cabinet. Il y respirait une odeur douce, un
sentiment de bien-être qui détendait ses nerfs. M. Garconnet, fort riche,
délicat et coquet, avait fait arranger ce réduit d'une très élégante facon ; le
divan était moelleux et tiède ; des parfums, des pommades, des savons
garnissaient le lavabo de marbre, et le jour palissant tombait du plafond avec
des voluptés molles, pareil aux lueurs d'une lampe pendue dans une alcove.
Macquart, au milieu de cet air musqué, fade et assoupi, qui traine dans les
cabinets de toilette, s'endormit en pensant que ces diables de riches <<
étaient bien heureux tout de même >>. Il s'était couvert d'une couverture
qu'on lui avait donnée. Il se vautra jusqu'au matin, la tête, le dos, les bras
appuyés sur les oreillers. Quand il ouvrit les yeux, un filet de soleil glissait
par la baie. Il ne quitta pas le divan, il avait chaud, il songea en regardant
autour de lui. Il se disait que jamais il n'aurait un pareil coin pour se
débarbouiller. Le lavabo surtout l'intéressait ; ce n'était pas malin,
pensait-il, de se tenir propre, avec tant de petits pots et tant de fioles. Cela
le fit penser amèrement à sa vie manquée. L'idée lui vint qu'il avait peut-être
fait fausse route ; on ne gagne rien à fréquenter les gueux ; il aurait du ne
pas faire le méchant et s'entendre avec les Rougon. Puis il rejeta cette pensée.
Les Rougon étaient des scélérats qui l'avaient volé. Mais les tiédeurs, les
souplesses du divan continuaient à l'adoucir, à lui donner un regret vague.
Après tout, les insurgés l'abandonnaient, ils se faisaient battre comme des
imbéciles. Il finit par conclure que la République était une duperie.
Ces Rougon avaient de la chance. Et il se rappela ses
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nike méchancetés inutiles, sa guerre sourde ; personne, dans la famille, ne
l'avait soutenu : ni Aristide, ni le frère de Silvère, ni Silvère lui-même, qui
était un sot de s'enthousiasmer – Dame ! reprit-il, tu veux que les habitants
soient consternés !… On me prendrait au sérieux, si ce que je t'ai dit arrivait…
>> Puis, son projet se complétant, il s'écria : << On pourrait
employer Macquart… Ce serait une facon de s'en débarrasser. >> Félicité
parut frappée par cette idée. Elle réfléchit, elle hésita, et, d'une voix
troublée, elle balbutia : << Tu as peut-être raison… C'est à voir… Après
tout, nous serions bien bêtes d'avoir des scrupules ; il s'agit pour nous d'une
question de vie ou de mort… Laisse-moi faire, j'irai demain trouver Macquart et
je verrai si l'on peut s'entendre avec lui. Toi, tu te disputerais, tu gaterais
tout… Bonsoir, dors bien, mon pauvre chéri… Va, nos peines finiront. >>
Ils s'embrassèrent encore, ils s'endormirent. Et, au plafond, la tache de
lumière s'arrondissait
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nike 2011 comme un ?il terrifié, ouvert et fixé longuement sur le sommeil de
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requin bb ces bourgeois blêmes, suant le crime dans les draps, et qui
voyaient en rêve tomber dans leur chambre une pluie de sang, dont les gouttes
larges se changeaient en pièces d'or sur le carreau. Le lendemain, avant le
jour, Félicité alla à la mairie, munie des instructions de Pierre, pour pénétrer
près de Macquart. Elle emportait, dans une serviette, l'uniforme de garde
national de son mari. D'ailleurs, elle n'apercut que quelques hommes dormant à
poings fermés dans le poste.
tn
requin enfant Le concierge, qui était chargé de nourrir le prisonnier, monta
lui ouvrir le cabinet de toilette, transformé en cellule. Puis il redescendit
tranquillement. Macquart était enfermé dans le cabinet depuis deux jours et deux
nuits. Il avait eu le temps d'y faire de longues réflexions.
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